SERGE LARGOT – Le monde de demain se prépare toujours dans l’ombre

Le poète et artiste Serge Largot (pseudonyme d’Ernest Aerts, 1929-2019) a progressivement développé une théorie de la couleur qu’il a tenté de mettre en pratique au quotidien dans sa peinture dite “lumineuse”. Largot a essayé de rendre visible l’essence inexprimable de l’existence à travers une abstraction profondément lyrique, une intense luminosité chromatique et un contenu éthéré et spirituel ou “numineux”. En 1965, l’écrivain et critique d’art Paul De Vree y voit une ressemblance avec l’œuvre de l’artiste Jef Verheyen : “Le geste de Serge Largot s’ancre dans l’antithèse, le contraste, et le conflit, tout comme le travail de Jef Verheyen”. Contrairement à l’œuvre de ce dernier, le “phénomène Largot”, dixit Paul De Vree, n’a cependant pas été reconnu à sa juste valeur par l’histoire de l’art.

Depuis l’ombre proverbiale, Serge Largot a non seulement mené une réflexion approfondie sur la réalité dans le cadre de sa peinture : il a également entrepris plusieurs projets qui témoignent d’une grande envie de façonner le monde de demain. A maintes reprises, l'auto proclamé "peintre maudit" s’est érigé en exemple, autant pour le grand public que pour ses pairs du monde de l’art. C’est ainsi que, par mécontentement à l’égard du groupe G58, il fonde Onderaards (1962-1967), un collectif dont font notamment partie Fred Bervoets, Jan Diels, Wybrand Ganzevoort et Wannes Van De Velde. Par la suite, il cofonde le mouvement international Lumen Numen (1967-1972), qui avait pour mission de "réagir contre les dérives sans âme de l’avant-garde" et qui, comme le nom du groupe l’évoque, était à la recherche de la lumière pure. Mark Meekers, Kari Bert, Ben Koelman, Roger Wouters et Gilberte De Leger ont participé à Lumen Numen. Serge Largot a organisé de nombreuses expositions en collaboration avec ces deux groupes et a souvent partagé ses opinions et ses idées dans ses divers textes. En 1968, Largot devient président du Vrije Aktie Groep Antwerpen (V.A.G.A.), qui prône la solidarité sociale et une meilleure qualité de vie à travers plusieurs interventions dans le centre-ville d’Anvers. Le collectif a également contribué à la transformation du Palais Royal d’Anvers, qui deviendra ensuite le Centre Culturel International (I.C.C). L’engagement social de cet artiste révolutionnaire était immense ; il contestait les institutions empreintes d’une bureaucratie excessive et plaidait, entre autres, pour un meilleur accès à l'information pour tous et toutes.

Comportant des documents d'archives et une sélection d’œuvres provenant de l’estate de l'artiste, cette présentation donne un aperçu de l'évolution de la pratique artistique et de la pensée de Serge Largot, le “peintre vagabond”. L’exposition offre également un regard inédit sur la scène artistique anversoise dans les turbulentes années soixante.